Verbatim, Chronique des années 1981-1986
EAN13
9782213641744
Éditeur
Fayard
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Verbatim

Chronique des années 1981-1986

Fayard

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Dès le premier jour où je me suis installé dans le bureau jouxtant celui du
Président de la République, j'ai pensé que mon devoir serait, un jour ou
l'autre, de rendre compte aussi intégralement que possible, de témoigner,
d'expliquer.

C'est ce que je fais ici, dans la limite de ce que l'intérêt de la République
permet de dévoiler à si brève échéance.
Depuis ces journées éblouies de mai 1981, j'ai consigné quotidiennement, aussi
honnêtement mais aussi crûment que possible, les faits, les impressions, les
dialogues. On les retrouvera tels quels. J'ai aussi utilisé ici mille et une
notes _ manuscrites pour la plupart _ rédigées à l'intention du seul
Président, en particulier les très nombreux verbatim rendant compte des
tête-à-tête entre chefs d'Etat. Enfin, j'ai puisé dans ma mémoire qui, comme
toute faculté humaine, est imparfaite.

Dans la plupart des cas, nul n'est à même de corrobrer mon témoignage: j'ai
été seul à entendre la plupart des propos que je rapporte ici, et ma parole
vaudra donc seule contre tous les démentis.

Cette lecture permettra, je l'espère, de comprendre l'extrême complexité et la
diversité étourdissante de l'exercice de ce pouvoir si particulier, celui d'un
homme isolé de tout, pour qui rencontres, réunions, voyages sont de rares
moments d'échanges volés à un protocole de confinement. Un homme dont
l'essentiel de l'influence se résume à l'annotation quotidienne de dizaines de
parapheurs de notes, lettres, requêtes, décrets, lois, grâces, avis, études,
rapports de police, suggestions, demandes de décisions émanant de tous les
horizons, filtrés _ ou non _ par ses conseillers.

Ce journal se voulait exhaustif; il ne peut l'être, évidemment. Il se voulait
aussi objectif; il ne peut l'être non plus. A certains, ce verbatim paraîtra
trop louangeur. D'autres le trouveront injustement critique. Pour me tenir à
égale distance de ces deux écueils, j'ai tenté de n'être là que l'observateur
d'épisodes singuliers de la comédie humaine. On y trouvera le récit de
réussites et d'erreurs, de mesquineries et de grandeurs.

Naturellement, ce texte est marqué par l'étrange rôle que j'y ai tenu:
l'intellectuel dont le Prince se méfie assez pour le tenir en lisière, mais en
qui il assez confiance pour en faire le témoin de toutes les rencontres, le
filtre de tous les documents, pour lui confier maintes missions et l'accepter
comme son confident quotidien. Celui dont on garde l'avis pour soi sans jamais
le mêler à l'action collective.

Je dis cela sans aucune amertume; je l'ai voulu ainsi.

Les épreuves de ce livre, une fois achevées, n'eurent que deux lecteurs:
Claude Durand, mon éditeur, comme pour chacun de mes livres; et le Président
de la République, qui eut le droit de rayer ce qu'il voulait. Droit qu'il n'a
pas exercé, sans que cela ait constitué pour moi une surprise. Seul, il
connaît la totalité des facettes de son action.
J.A.
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