Front de Mer

Extrait :
Elle prépara ses valises avec difficulté. Elle ne savait que prendre, quelle tenue serait la plus appropriée. En fait, dans un mouvement presque enfantin, elle serait volontiers descendue à la cave récupérer les valises de l'exil et les aurait remplies à ras bord, aussi lourdement qu'elles le furent au départ. Elle se décida enfin pour deux grosses valises bourrées certainement de choses inutiles. Savait-elle seulement où elle allait ? Le doute s'insinuait en elle: non, il ne fallait pas qu'elle retourne. Qu'irait-elle faire devant les portes de sa maison dont elle n'avait même pas les clefs ? Que dirait-elle aux nouveaux occupants qui sans doute lui ouvriraient accueillants, sa propre demeure ? Elle avait peur d'elle-même maintenant, de sa violence si longtemps contenue et qui ne pourrait l'être face à ces battants ouvragés de chêne massif et verni, dont elle connaissait les moindres reliefs, l'odeur chaude quand le soleil les avait frappés fort. Elle se souvenait même du tintement de la sonnette qu'elle fit sonner au jour même de son départ alors que la maison était vide déjà.
(Extrait de la nouvelle Front de Mer)