Savez_vous ce qu'est l'achluophobie ? Armelle la tortue serait très bien vous l'expliquer puisque elle en souffre terriblement, de cette chose là..
De cette peur panique d'être plongée dans l'obscurité. Le comble pour elle, c'est de ne pas pouvoir trouver refuge dans sa carapace, abri potentiel pour une tortue lorsque le danger guette, mais synonyme aussi de pénombre et de démons intérieurs... Et les insomnies successives n'arrangent rien à son état d'angoisse. Alors lorsque se présente à elle, une drôle de bestiole qui lui est étrangère mais aussi fort aimable et pleine de bienveillance, les deux êtres vont allier leur sensibilité pour faire route ensemble. Sans vous révéler ici la nature de ce nouvel ami, je peux juste vous dire que cette petite BD est déjà grande par sa finesse et sa subtilité, par son texte très beau et bien écrit, par ses illustrations superbes et par son message qui réconfortera plein d'enfants et résonnera dans l'intimité de chacun, petit comme grand !
à partir de 6 ans

En préambule, une grand-mère triste de n'entendre plus la forêt chanter et un enfant qui n'aime pas tant jouer dehors... Jérémie Moreau convoque ici le mythe du dieu pan, le dieu de la nature, en colère de ne plus pouvoir jouer la musique des saisons. L'enfant va accueillir, dans sa chambre, la reine des fourmis, venue l'informer de la colère à venir du dieu. Telle une arche de Noé, la chambre de Warren devient le refuge des animaux et des végétaux, s'abritant de la colère de Pan devenu dragon, crachant feu, grêle, provoquant inondations et tempêtes. Avec une illustration tout en rondeur faite de feutre et d'aquarelle, l'auteur insuffle une certaine tendresse à ses animaux et à ses personnages traités, ici façon studio Ghibli, donne un souffle nouveau à l'illustration jeunesse par des choix de composition très personnels. Il renouvelle, en même temps, le récit sur le changement climatique, sans donner ni leçon de morale, sans dicter les bonnes pratiques à adopter. Il confère à son récit un souffle généreux, invoquant le vivant à exister collectivement, appelant chacun à retrouver la mélodie de Pan, convoquant le chant, l'entraide et la solidarité, et donnant une issue salvatrice au faire ensemble.
Un regard nouveau et un album coup de cœur !
à partir de 5 ans

En couple, le titre du nouveau roman de Coline Pierré, peut paraître simpliste, désignant d'emblée un état, une situation où l'amour a fait son œuvre, une fierté donnée au monde d'être enfin deux. Ce qui se révèle extrêmement intéressant avec ce roman, c'est que ce titre soulève des questions,interroge la norme. Ce n'est pas l'endroit d'une simple histoire d'amour d'adolescents ou encore d'une romance comme il s'en vend des kilos, en ce moment. Le regard posé sur la relation entre Bahia et Milosh est nouveau, osant même débuter le roman par la fin de cette histoire, pour dérouler ensuite ce qui a mené Bahia à quitter ce garçon qu'elle aime. Il y a tous les moments d'émoi, de bouleversements, de tendresse et de sensualité que draine, à sa suite, le sentiment amoureux. On s'attache à ce couple, on aime le voir s'aimer, mais on aime aussi qu'une autrice revisite une injonction sociétale et laisse une adolescente repenser cet état du couple qui soulève l'admiration, bouleverse les amitiés, provoque l'intrusion, impose le nous. Alors merci à Coline Pierré de parler aussi bien du frisson amoureux, de la fébrilité des premières fois en regard des remous actuels d'une société qui interroge les injonctions normatives.
Dès 13 ans

Fiesta, c'est ce que prépare Nono depuis longtemps, la fiesta de ses 10 ans.

" Il avait souvent répété, Nono, que dix ans c'était un âge important
Un âge tout rond qui dit qu'on est plus tout à fait très petit
mais pas encore trop grand
De ses dix ans Nono en parlait tout le temps."*

Il avait tout prévu, le nombre d'invités, le parfum des gâteaux, en passant par la couleur des guirlandes. Tout serait parfait ! C'est sans compter Marie-Thérèse, une invitée surprise de dernière minute, une tempête hors de commun, qui fait rage à l’extérieur. Alors que tous ses amis habitent dans le même immeuble, Nono est le seul à vivre dans celui d'en face. Comment faire ?

Un texte puissant et subtil où l'amitié est au dessus de tout. Gwendoline Soublin livre ici un texte théâtral fort qui se grave définitivement quelque part en nous.
Dés 9 ans.
* extrait du livre, page 9.

Otto, le jeune narrateur de cette histoire, est un enfant différent. Rien n'est vraiment dit ni montré à propos de sa particularité, hormis les brimades et autres quolibets qu'il subit. Vivant dans un village au bout du monde, Otto voit, un jour, passer devant chez lui le cirque d'Erêves, la promesse d'un moment exceptionnel où jongleurs, cracheurs de feu et autres acrobates viennent émerveiller un instant ce lieu retiré. Otto se rend à la représentation en frissonnant à l'annonce du clou du spectacle, le monstre d'Erêves ! Lorsque le voile est soulevé, le lecteur reste stupéfait. Je laisse ici en suspens ce que nous y découvrons pour ne rien en dévoiler. Juste dire que ce livre est une surprise d'une belle finesse. Les illustrations de Nicolas Zouliamis viennent donner corps au texte superbe de Stéphane Servant qui traite de la question de l'acceptation des différences, le monstrueux n'étant pas communément une histoire d'apparence, les monstres nous ressemblant parfois. Le dessin au stylo noir ajoute à l'atmosphère étrange, la question de la différence y est amenée avec puissance et originalité, la voie empruntée pour traiter ce sujet récurent en littérature jeunesse, singulière, le souffle du conte gothique éminemment réussi !
dès 9 ans